«L’arbre aux oiseaux» et la cueillette responsable

Alors que je crée le guide «Partager notre nature», destiné à aider les personnes voulant créer leur propre grainothèque dans l'est du Canada, je remarque que de nombreux mouvements se chevauchent et convergent vers une plus grande appréciation de nos plantes indigènes. On commence à reconnaître à quel point elles nourrissent notre faune et notre flore, mais aussi à quel point elles nous permettent de mener notre vie ici. À ce sujet, il existe des principes que nous devrions tous suivre et qui étaient bien connus de nos ancêtres, quelle que soit notre origine. Ils ont été bien présentés par Robin Wall Kimmerer à la page 180 de son livre Braiding Sweetgrass.

Appelé Saskatoon, Juneberry, Shadbush, Serviceberry et bien d’autres noms en anglais, je vous présente l’Amélanchier.

Deuxième principe de la Récolte honorable : Présentez-vous. Soyez responsable en tant que personne qui demande la vie.

Je commence par la baie et je finis par moi-même. D'un aspect proche du bleuet, les amélanches étaient connues par les Acadiens, mes ancêtres, sous le nom de poires sauvages. Et c'est vrai qu'elles ont le goût de poires.

Elles étaient également présentes sur le Vieux Continent (ancien selon les colons français), où elles étaient appelées "l'arbre aux oiseaux" par les moines qui les cultivaient dans les jardins de leurs cloîtres.

Mon grand-père les nommaient les "petites poires". Il était le genre de cueilleur qui ne les mangeait seulement pendant ses promenades dans la nature et ne les emportait pas chez lui. Je considère qu'en les laissant sur l’arbre, elles ne sont pas gaspillées. Soit parce que les oiseaux les ont mangées, soit parce qu'elles sont tombées par terre, dans la banque de semences des bois.

Je n'ai jamais été le genre de cueilleur qui garde ce qu'il a récolté pour plus tard. Si je peux le manger sur place, je le fais. Je suis plutôt un observateur, le genre de personne qui s'assoit et regarde les choses lors de ma marche, et la façon dont elles interagissent ensemble.

C'est ainsi que j'ai eu l'idée de créer, il y a moins de trois ans, un blog francophone appelé Amelan.ca. Et me voici.


En paix avec la méconnaissance

J'ai toujours cherché à connaître, mais je me rends compte aujourd'hui que ne pas savoir est le meilleur moyen d'être curieux. Même les auteurs les plus réputés se considèrent comme des apprenti.e.s tout au long de leur vie.

Juste après mes études, j'ai commencé à réfléchir de manière critique à la façon dont j'absorbais les connaissances. J'avais l'habitude de chercher toutes les réponses, quand il ne fallait que penser à une question au lieu, pour ensuite la vivre. Par exemple, si vous ne connaissez pas une réponse bonne et fiable, il y a d'autres façons de procéder que d'inventer une réponse sur le tas. Pour ma part, j'essaie de résister à cette impulsion et de poser plus de questions ! Même les questions simples résistent à ce test, car elles ouvrent la voie à des questions plus complexes.

Nous pouvons aussi apprendre des plantes, celles qui peuvent vraiment « se nourrir » de lumière. Nous avons deux modes de vie radicalement différents, mais cela ne nous empêche pas de nous considérer comme moins intelligents que l'autre.

L'amélanchier attire la lumière en poussant dans les habitats de marge, comme les vieux champs et les lisières de forêt ici à Wabanaki. Mais toute sa stratégie ne s'arrête pas là. Les pollinisateurs y viennent au printemps, ceux qui permettent aux fruits de se former. Ensuite, les oiseaux arrivent et les répandent partout.

La fleur est si visible qu'elle est remplie d'insectes pendant les quelques jours de sa floraison. Elle brille comme un phare blanc dans le printemps brun de nos forêts.

Un Bombyle pygmée (Bombylius pygmaeus) sur une fleur d’Amélanchier

Pour nous, les humains, il faut aller chercher des choses partout autour de la région où nous vivons, et maintenant sur toute la planète. Pour ces plantes, tout vient tout simplement à elles. Elles trouvent leur nourriture (lumière), leur pollen reproducteur (insectes) et leur dispersion lointaine (oiseaux, humains et autres) sans bouger d'un centimètre dans leur vie. Nous ne sommes donc pas pour autant plus intelligents qu'elles!

Nous avons longtemps dû chercher à manger pour survivre. Mais notre mode de vie actuel, bien différent, consiste toujours à laisser d'autres humains cueillir des choses ailleurs pour nous. Et souvent, ce sont les plantes qui font le travail à notre place.

« Je suis une élève de cette façon de penser, pas une érudite. En tant qu’être humain qui ne peut pas pratiquer la photosynthèse, je dois lutter pour participer à la récolte honorable. C’est pourquoi je me penche pour observer et écouter celleux qui sont bien plus sages que moi.  »
— Robin Wall Kimmerer, Braiding Sweetgrass, p. 180 (Traduction libre)

Quelques pages plus loin, Kimmerer raconte qu'un étudiant européen en ingénierie a rendu visite à un groupe d'Anishinaabe et s'est familiarisé avec leur méthode de récolte du riz sauvage. Lorsqu'il a suggéré un moyen d'améliorer l'efficacité de la récolte de 85 %, c'est-à-dire d'obtenir plus de riz, ces gens ont répondu qu'ils en laissaient tomber une partie dans l'eau (" se gaspiller ", comme certains le diraient) pour les générations futures de personnes et d'autres êtres vivants.

Mais ce n'est pas du gaspillage quand c'est pour les autres, évidemment.

Une manière de demander davantage aux plantes serait d'être plus responsables. Les graines sont le principal moyen qu'a la plante de disperser la vie.

En demandant à la plante (elle pourrait répondre en étant presque vide de fruits, ou même malade), nous pouvons conclure qu'elle est prête pour la cueillette, ou qu'elle ne l'est pas. Et c'est tout à fait normal.

Passez une bonne semaine et n'oubliez pas de demander avant de prendre ! Et vous, comment vous tenez-vous responsables envers les plantes, qui donnent tellement en demandant si peu en retour ?

Samuel LeGresley

Samuel est communicateur, motion designer depuis un jeune âge et activiste à ses heures. Il a grandi dans la Forêt acadienne en territoire non-cédé Mi’kmaq. Il a commencé à découvrir et identifier les plantes qui y poussent il y a quelques années. Il aime la musique, les livres et, bien sûr, les longues marches en forêt.

https://samlegresley.com
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